A.-J. Tornare: 10 Août 1792 - Les Tuileries

Cover
Titel
10 Août 1792 - Les Tuileries. L’été tragique des relations francosuisses


Autor(en)
Tornare, Alain-Jacques
Reihe
Le Savoir suisse
Erschienen
Lausanne 2012: Presses polytechniques et universitaires romandes
Anzahl Seiten
144 S.
Preis
URL
Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
François Jequier

Le massacre d’un régiment des Gardes suisses dans le palais des Tuileries le 10 août 1792, à Paris, eut de profondes répercussions tant en France avec l’effondrement de la monarchie qu’en Suisse avec les premières grandes fissures de l’Ancien Régime qui volera en éclats six ans plus tard. Alain-Jacques Tornare, qui travaille et publie depuis des décennies sur les relations franco-suisses, en particulier sur les troupes suisses capitulées au service de la France, explore les diverses représentations historiques de ces massacres avec leur résurgence dans les premiers jours de septembre 1792.

Les récits, les causes, les circonstances, le rôle des principaux acteurs, les interprétations jusqu’à la naissance des mythes présentés avec minutie, diffèrent considérablement d’un pays à l’autre. L’intérêt de cet essai de synthèse se trouve dans ce souci de comparer ces points de vue divergents et surtout de les mettre en perspective dans leur contexte propre en en soulignant les enjeux. L’auteur de La Révolution française pour les nuls (2009), maîtrisant l’histoire des deux pays, brosse un beau panorama de l’évolution des relations militaires franco-suisses depuis l’été 1789 en soulignant les bénéfices que chacun y trouvait. Il met bien en évidence le rôle, discuté et discutable, en 1792, de Louis-Auguste-Augustin d’Affry (l7l3-l793), colonel du régiment des Gardes suisses depuis 1767 et représentant officieux des intérêts helvétiques en France. La participation des Suisses au processus révolutionnaire par le biais des troupes capitulées n’est pas aisée à comprendre du fait qu’elle fut mythifiée de part et d’autre. A.-J. Tornare s’applique à démonter toutes ces interprétations en les confrontant à de nouvelles sources et à une réalité de mieux en mieux perçue comme la présence et l’action des troupes suisses durant les grandes journées révolutionnaires de l’été 1789 à la chute de la royauté le 10 août 1792. En quelques pages denses, il montre comment les Gardes suisses devinrent les «catalyseurs involontaires du mécontentement» populaire attisé par les appels au meurtre du Suisse Jean-Paul Marat dans son journal L’Ami du Peuple. Ce rôle de bouc émissaire se concrétisera brutalement le 10 août et durant les massacres de septembre.

L’analyse critique n’épargne pas un grand mythe taillé dans le roc, soit «la sacro-sainte loyauté des corps militaires helvétiques» largement répandue dans la geste militaire suisse depuis deux siècles, laquelle passe sous silence le désarroi des soldats, les vagues de désertion, les trahisons, les incompétences de certains officiers et le double jeu assez trouble de leur colonel qui pratique un attentisme coupable relayé par l’impuissance et la paralysie de la Diète helvétique qui laisse pourrir la situation à tel point qu’ils ne se soucieront du sort des Gardes suisses qu’après leur massacre.

A.-J. Tornare ne mâche pas ses mots: «Exploiter la charge émotionnelle de ces événements tragiques permet d’occulter les responsabilités des gouvernants helvétiques. Ils n’ont su ni prévenir ni gérer ses péripéties. Personne en Suisse n’a voulu croire à la chute imminente de la monarchie. Personne n’a osé envisager les répercussions qu’allait entraîner ce bouleversement des rapports privilégiés avec la France. Du 10 août au 3 septembre, en moins d’un mois, les Suisses subissent une succession de traumatismes: l’anéan tis sement du régiment des Gardes suisses aux Tuileries; les massacres des journées de septembre; le licenciement général de leurs troupes en France. Collectivement, les cantons suisses ont livré les Gardes suisses à euxmêmes dans une ville de Paris surchauffée». La même incurie des gouvernants helvétiques favorisera la chute de l’ancienne Confédération en 1798… et l’humiliation de la Suisse, deux siècles plus tard dans l’affaire dite des fonds en déshérence.

Le dernier chapitre consacré à la mémoire du 10 août est bien troussé au fil de la présentation critique des sources utilisées avec un rappel du massacre de la Garde pontificale lors du sac de Rome par les Espagnols le 6 mai 1527. L’exploitation touristique et idéologique du Lion de Lucerne, taillé dans le roc, s’inscrit dans ces nouvelles tendances du tourisme mémoriel avec sa manne expiatoire.

En partant de cette date du 10 août 1792, A.-J. Tornare a su magistralement esquisser l’évolution des relations militaires franco-suisses entre 1789 et l’été 1792 en mettant en exergue l’importance de cette rupture qui annonce la chute de l’Ancien Régime dans les cantons suisses quelques années plus tard et leur réelle incapacité à gouverner jusqu’à la Médiation de Bonaparte en 1803. Une bibliographie riche et structurée, une filmographie et l’évocation des lieux de mémoire, à la mode depuis peu, feront de cette mise au point un livre de référence.

Zitierweise:
François Jequier: Compte rendu de: Alain-Jacques TORNARE, 10 août 1792 Les Tuileries. L’été tragique des relations francosuisses, Lausanne: PPUR (Coll. Le Savoir suisse), 2012. Zuerst erschienen in: Revue historique vaudoise, tome 121, 2013, p. 295-296.

Redaktion
Beiträger
Zuerst veröffentlicht in

Revue historique vaudoise, tome 121, 2013, p. 295-296.

Weitere Informationen
Klassifikation
Epoche(n)
Region(en)
Mehr zum Buch
Inhalte und Rezensionen
Verfügbarkeit